F.R. Adrados
Proceedings of the Twelfth International Congress of Linguists. Vienna, August 28 - September 2, 1977, Ed. W.U. Dressler - W. Meid, Viena (Innsbrucker Beiträge zur Sprachwissenschaft) 1978, pp. 337-341 (versión completa en Nuevos estudios de lingüística general y de teoría literaria, Madrid 1988, pp. 130-138



Syntaxe et dictionnaire


Nous voulons présenter quelques détails à l'application de procédés syntaxiques dans l'établissemnt des acceptions dans le grand «Diccionario Griego-Español» qui es rédigé en ce moment à Madrid sous ma direction. Nous nous occuperons aussi des résultats que l'on peut obtenir par l'étude syntaxique des données recueillies dans une oeuvre de ce genre.

Il s'agit d'un dictionnaire de l'ancient Grec qui n'est pas certes un Thesaurus exhaustif. Mais malgré cela, il double approximativement le volume du «Greek-English Lexicon» de Liddell-Scott-Jones, dont il renouvelle le matériel de base dans une double mesure: il orte sur un nombre approximatif de 2,500 auteurs, 280 collections de papyrus, 160 d'inscriptions, et nous prévoyons qu'il contiendra 250.000 lemmes environ et un total de 10.000.000 de mots.

Mais, surtout, ce dictionanaire cherce à établir les types de contextes dans lesquels une traduction donnée correspond au lemme. Comme principe général, on n'y donne pas les diverses traductions d'un lemme sans indiquer à quels contextes typifiés ou spéciaux elles correspondent. Parmi ces contextes, les syntaxiques occupent une place essentielle. On ne peut donc douter que l'attention portée à la syntaxe fournisse des choses importantes au dictionnaire, et que, à l'inverse, un dictionnaire ainsi réalisé puisse fournir des données utiles pour l'étude syntaxique. C'est ce point-là que nous voulons éclaircir ici.

Précisément, la syntaxe grecque a grand besoin d'un rebouvellement du matériel sur lequel elle travaille. On peut affirmer que ce matériel a été assez peu rénové depuis l'édition révisée par B. Gerth de la «Satzlehre» de la «Ausführliche Grammatik der griechischen Sprache» de R. Kühner (1898-1904). Un dictionnaire comme le nôtre peut ne pas être exhasutif, comme nous disions, mais il est capable de fournir beaucoup de matériel nouveau qui, étant organisé par distributions, peut être facilement organisé. Et plus encore: il peut servir aussi pour pénetrer, à l'aide de ce materiel nouveau et abondant, dans des problèmes de syntaxe générale.

Nous allons essayer d'expliquer ceci, surtout en ce qui concerne l'étude de la signification des lemmes, à l'aide de la méthode distributionnelle qui est celle que nous suivons, bien que nous recourions parfois aussi à la méthode paradigmatique.

Ce qu'on remarque tout d'abord, c'est que la distribution syntaxique n'est qu'un tipe de distribution parmi d'autres; la signification syntaxique, en somme, ne peut être quelque chose radicalement à part à l'intérieur de la signification linguistique en général.

Grosso modo, la signification d'un lemme est classifiée selon des contextes et des distributions qui peuvent être à leur tour classifiés ainsi:
a) Contextes extralinguistiques. On sait que dans des situations ou des moments donnés un mot peut voir sa signification déformée d'une manière spéciale.
b) Contexte relatif au genre de langue et de niveau linguistique.
c) Contexte général. Dans la traduction en espagnol de verbes grecs comme ἄγω, φέρω, etc. qui indiquent un mouvement, il faut préciser s'il s'agit de mouvements «vers» celui qui parle ou «de» celui qui parle: de ces contextes relèvent, respectivement, des traductions comme «venir», «traer», ou «ir», «llevar» (en français «venir», «apporter» ou «aller», «porter», respectivement). D'autres fois, le contexte général porte sur l'idée de temps (ainsi dans αἰών) ou sur une valoration positive ou péjorative: ἀμείβομαι peut être «recompensar» ou «castigar» (c'est à dire, «recompenser» ou «punir»), αἰσχύνη «pundonor» ou «deshonra» (c'est à dire «point d'honneur» ou «deshonneur»).
d) Contexte lointain. Il ne faut pas confondre le contexte général et le lointain. Parfois nous pouvons préciser le sens d'un mot rien que grâce à quelque chose que nous avons lu peu avant.
e) Contexte syntaxique. Il distingue les mots qui snt déterminés par des catégories ou des fonctions syntaxiques ou par des classes de mots: par tels cas ou par tel groupe de préposition + cas ou par des verbes ou des adverbes ou des pronoms ou parce qu'il remplit telle fonction dans tel type de proposition.
f) Contexte basé dur les sous-classes de mots: verbes de mouvement, accipiendi, de procès ...; noms animés, humains, de personne, de lieu ... Il y a très fréquemment une combinaison de critère syntaxique et de celui des sous-classes de mots.
g) Contexte lexical. Parfois, la détermination de l'acception consiste en un nom ou un verbe, par ex., qui peuvent être uniques ou appartenir à un petit groupe. Dans le cas extrême - un nom ou un verbe unique - un groupe de deux mots prend un sens spécial et constitue une lexie.

Il y a évidemment une hiérarchie. Les premières et grandes classifications relèvent fréquemment des contextes généraux en premier lieu, et ensuite des contextes syntaxiques ou de ceux qui combinent des traits syntaxiques et des contextes de sous-classes de mots. Les autres critères sont en général subordonnés à ceux-ci et portent sur des acceptions très nettes et spécifiques.

La combinaison fréquente du critère syntaxique et de celui des sous-classes de mots permet de voir que la syntaxe et la sémantique se rejoignent selon des transitions insensibles. Ainsi, il peut arriver qu'un verbe ait une traduction lorsqu'il est transitif, une autre lorsqu'il est intransitif. Par exemple, ἔχω transitif est, en général, «tener» (fr. «avoir»); comme intransitif, avec οὕτως il signifie habituellement «ser» ou «estar» (fr. «être»). Mais, très fréquemment, les choses ne se passent pas de la sorte.

Si nous prenons le verbe ἄγω comme exemple, nous pouvons signaler, à côté des significations générales «apporter» et «porter», dont nous avons parlé plus haut, d'autres significations qui sont en rapport avec la présence de certaines sous-classes de mots. Par exemple, ἄγω signifie «passer» (ἡμέραν), «fêter» (ἑορτήν) dans un contexte temporel, «piller» dans un contexte de lieu (Βιθυνίαν).

La combinaison d'éléments contextuels peut être encore plus vaste. Par exemple, le sens «se venger» du verbe grec ἀμύνω est défini par les facteurs suivants.
a) Voix moyenne
b) Présence d'un complément d'objet direct
c) Il s'agit d'un complément d'objet direct
d) Il faut qu'il y ait un contexte général approprié, parce que autrement le sens varie complètement et le verbe signifie alors «récompenser».

C'est donc fréquemment une combinaison d'éléments contextuels - dont les éléments syntaxiques entre autres - qui détermine le sens. Quoique en réalité les éléments syntaxiques soient très fréquemment en rapport avec les sous-classes de mots, et d'autre part, le vocabulaire.

Ce qui este remarquable, c'est que les éléments contextuels reliés entre eux - quatre dans notre exemple - sont parfois dispensables et susceptibles de neutralisation.

Nous disons qu'ils sont dispensables dans le sens que l'on peut faire abstraction de quelques uns d'entre eux ou éventuellement de tous pour certaines accéptions. Le même verbe ἀμύνω, qui exige la voix moyenne pour les accéptions «se venger» et «récompenser», est indistinctement à la voix active ou moyenne dans d'autres acceptions, comme par exemple «repousser», «s'éloigner» (quelq'un de quelque chose), etc. Cela ne veut pas dire que la nuance propre à la voix moyenne soit éliminée, mais qu'en tout cas cette différence de nuance n'est pas suffisament grande comme pour affecter la traduction.

On peut faire abstraction plus facilement d'un trait syntaxique losque, à côté des diverses acceptions d'un not qui sont conditionnées syntaxiquement, nous trouvons des emplois absolus de ce même mot avec ces mêmes signifiés. Notre experience du dictionnaire grec-espagnol nous montre que très fréquemment une acception conditionnée, soit syntaxiquement, soit au moyen d'une combinaison de ressources, peut avoir à côté des emplois absolus avec le même sens.

On
peut dire dans des cas comme celui-ci que c'est le contexte au sens large qui d'une façon ou d'une autre, supplée l'absence du contexte syntaxique ou syntacto-sémantique. En somme, c'est une preuve en plus de l'équivalence des ressources contextuelles. Le phénomène pourrait être étudié sous l'épigraphe de l'ellipse que nous avons définie ailleurs[1] comme le phénomène selon lequel le sens total d'un texte peut être compris sans prêter attention à chacune des unités partielles.

Mais revenons au phénomène de la neutralisation. Il est très fréquent qu'une acception soit définie par plusieurs constructions possibles, en dehors de l'emploi absolu.

Il est surtout très fréquent qu'un verbe admette des constructions avec des cas différents au bien avec un cas ou une préposition suivie d'un cas. Dans ce même verbe ἀμύνω dont nous avons déjà parlé, notre acception II 2 «defender» (fr. «défendre») neutralise deux oppositions: celle active / passive et celle génitif / préposition avec le génitif. On peut dire également ἀλλάττω τι τινός ou bien τι ἀντί τινος «donner quelque chose en échange de quelque chose», par exemple.

Nous pensons que des faits comme ceux-ci sont importants non seulement pour le rédacteur d'articles de dictionnaire bilingue mais pour le traducteur en général ou éventuellement pour ceux qui s'intéressent à la traduction automatique; et aussi pour ceux qui étudient la syntaxe. Car, quoiqu'il y ait des discussions sur les conditionnements de date ou de niveau de langue des constructions, sur les nuances qui ne sont pas reflétées dans la traduction du lemme, etc., on peut toujours affirmer que:
a) Il existe dans certaines circonstances contextuelles, une tendance à la neutralisation de cas et de construction. Et c'est un fait dont on doit tenir compte dans la définition des catégories et des fonctions.
b) On ne peut donner cette définition sans prêter attention au contexte et, plus précisement, au contexte formé par des sous-classes de mots.

Une attention approfondie à la totalité des contextes ou des types de contextes possibles pour les mots grammaticaux, les cas, etc., sur la base de matériaux tirés de grans dictionnaires comme celui dont nous parlons ici, peut forunir une base pour mieux accéder à leur signifié. Quoiqu'on n'arrive à cela que moyennant un processus de généralisation réalisé, pour ainsi dire, à partir de signifiés partiels, de cercles concentriques.

Évidemment, cette étude est aussi réalisable en ce qui concerne les sous-classes de mots. Il n'y a pas une différence essentielle entre des concepts grammaticaux, comme celui de pronom personnel, et d'autres considérés comme lexicaux, tels les noms propres ou les noms de lieu.

Quoiqu'il n'y ait que les sous-classes les plus vastes qui soient en rapport étroit avec la syntaxe, elles ont toutes une influence sur le signifié des mots qu'elles définissent contextuellement ou, au moins, sur leur traduction. Dans les limites inférieures, il est douteux que les sous-classes de mots aient quelque intérêt en ce qui concerne la langue qui forme l'«input» du dictionnaire bilingue. Χλωρός signifie «jaune» ou «pâle» en parlant du sable ou d'un homme effrayé, mais ce même mot signifie «vert» en parlant d'un arbre ou d'une émeraude.

Nous devons préciser ainsi ce que l'étude d'un dictionnaire comme celui que nous réalisons peut apporter de nouveau dans ce domaine:
a) On pourrait obtenir un système de sous-classes de mots, sur une base empirique, pour une langue donnée: système qui peut ne pas être universel quoiqu'il contienne sûrement des éléments universels.
b) On pourrait établir ces conditionnements syntaxiques et aussi ces limites, diffuses et peu claires, à l'aide de simples faits de vocabulaire ou d'autres basés seulement sur la traduction.

Cette étude montrerait quelque chose que nous avons déjà signalé plusieurs fois, mais qu'il faudrait préciser avec des données. Il s'agit des faits de neutralisation d'oppositions entre les sous-classes, qui sont beaucoup plus clairs que dans le domaine purement syntaxique. Il s'agit également de la possibilité qu'ont beaucoup de mots d'appartenir alternativement à deux ou à plus de deux sous-classes, ou d'être reclassifiés n'importe quand.

En ce qui concerne le grec ancien, il semble qu'il serait possible d'établir une définition d'emplois syntaxiques à l'aide des sous classes de mots en vue d'un dictionnaire, et qu'il est aussi possible d'établir les plus importantes et claires d'entre celles-ci, définies selon deur transcendance syntaxique; il faudrait évidemment inclure dans cette classification les faits de neutralisation et ceux de classification alternative.

Ceux-ci ne sont pas cependant les euls points dans lesquels la rédaction d'un dictionnaire peut bénéficier de l'attention portée à la syntaxe ou dans lesquels les données d'un dictionnaire peuvent être utiles pour une meilleure connaissance de la syntaxe d'ne langue - dans ce cas le grec ancien. Nous avons déjà dit quelque chose plus haut sur ce point-là et nous insisterons encore plus.

Nous voulons parler de trois points principaux parmi plusieurs que nous pouvons aborder: l'attention à la syntaxe des diverses formes flexionnelles des lemmes; à celle des prépositions; et à la paradigmatique syntaxique. Ce sont là les trois point dont nous allons parler brièvement.

a) En ce qui concerne le grec ancien, il est spécialement urgent d'étudier les voix sur la base des données recueillies dans les dictionnaires qui aient des renseignements l'a-dessus. Il y a trop de lieux communs et de généralisations rapides au sujet de l'opposition active/moyenne et de l'emploi de ce qu'on appelle la voix passive.
Parallèlement, l'attribution de traits tels que la transitivité ou l'intransitivité, le caractère factitif, etc. à des thèmes verbaux différents est susceptible d'être décrite en ce qui concerne la chronologie, la fréquence, etc. à l'aide du dictionnaire.
b) Le deuxième point dont nous voulions parler est celui de la syntaxe des propositions. Un dictionnaire vaste et rédigé avec soin en ce qui concerne la définition contextuelle est susceptible de procurer des données importantes à ce sujet: et des données ajoutant des détails aux descritions des traités de syntaxe, qui sont en général assez simplistes.
c) Nous
devons parler finalement de la partie paradigmatique. En ce qui concerne le lexique, certaines acceptions qui se définissent au niveau du syntagme peuvent se définir aussi au niveau du paradigme en fonction des diverses oppositions où peut se trouver le lemme: si elles sont privatives, équipollentes ou exclusives; selon s'il y a un emploi neutre ou non. Nous avons exemplifié tout cela dans «Introducción a la Lexicografía Griega»[2], pag. 240 ss. avec des exemples pris de mots comme ἀνήρ, γυνή, νέος, etc. On peut aller encore plus loin.

L'utilisation du dictionnaire pour définir paradigmatiquement le signifié syntaxique lorsque celui-ci est exprimé non pas par les lemmes, mais par des formes flexionnelles comprises dans ceux-ci est plus difficile: il en est ainsi pour ce qui concerne les modes, les temps, les cas, etc. Nous avons déjà fait allusion plus haut à ceci. Il est clair que de toutes façons c'est dans un dictionnaire vaste que l'on peut réunir plus facilement des matériaux qui contribuent à rendre plus complètes et fondées les définitions de catégories et de fonctions. Nous n'y trouvons pas seulement des données distributionnelles abondantes, mais encore des données paradigmatiques: le reflet de l'existence de constructions différentes. On peut évidemment recueillir ici des données, les classifier et établir une série d'inductions qui conduisent à une approximation aux signifiés syntaxiques.

Pour finir, il est évident, pensons-nous, qu'il n'existe pas de différence essentielle entre les matériaux réunis par un syntaxe et un dictionnaire. Et à cela il faut encore ajouter qu'un dictionnaire rédigé selon un critère moderne - distributionnel et paradigmatique à la fois - contient une inmense masse de matériaux classifiés qui peuvent être utilisés pour une meilleure connaissance de la langue en question - ou de lalangue de départ («input») s'il s'agit d'un dictionnaire bilingue.


Notes

[1]
Lingüística estructural2, Madrid 1974, p. 779. (vuelta al texto)
 
[2]
Ed. por Elvira Gangutia, Madrid 1977, p. 243 ss. (vuelta al texto)

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